Commentaires des oeuvres par Miguel Alcalá

 

Antonio El Chocolate 

"Voici un portrait de l'un des plus extraordinaires chanteurs que j'ai (bien) connu : Antonio Nunez Montoya "El Chocolate". Son surnom lui venait de sa couleur de peau, bien sûr.
Il était intraitable avec les éclairagistes de scène et professait une haine totale pour les guitaristes qui le gênaient au moment de chanter. Il disait toujours : "Faut bien les laisser s'exprimer, il faut que tout le monde vive ! puis, au bout de quelques instants, il disait au guitariste : "ça suffit, on a assez rigolé ".
Malgré son caractère de cochon, il me respectait en tant que portraitiste et me laissait le dessiner sans manifester d'impatience.
Je ne l'ai vu pleurer qu'une fois, lorsqu'on lui a annoncé qu'il avait remporté le grand prix de la Biennale de Flamenco de Séville en 1990 ( je crois ).
Sa grande spécialité était d'interpréter les chants profonds aux "sons noirs" mais il excellait dans le domaine des "fandangos" qui, habituellement, ne tentent pas trop les gitans. Il n'a pas de successeur."

 

 


Los Bacanes

"Bastian Peña Peña "Bacan", patriarche du clan des "Bacanes" (Bacan au pluriel) de la belle ville de Lebrija, près de Jerez (Andalousie du Sud-Ouest). Membre des clans familiaux "Funi" et "Pinini" et fondateur de son propre clan.et son épouse Ana, du même clan et descendante, également, d'une lignée de bandits montagnards connus sous le nom de "Negros de Ronda".

Leur fils Pedro Bacan fut l'un des guitaristes flamencos les plus virtuoses et plus dérangeants que j'ai jamais connus. J'en reparlerai, ainsi que de sa soeur, la chanteuse Ines Bacan."

 

 

 


Farruco

"Autant en tant qu'homme qu'en tant que danseur. Son regard était brûlant et son menton agressif. Il semblait moulé dans le bronze. Le noir de sa chevelure et l'épaisseur de ses favoris lui donnait l'allure des gitans du dixneuvième siècle. Il ne se séparait jamais de sa canne de jonc. Le décès accidentel de son fils, les danseur Farruquito le plongea dans un tel désespoir qu'il garda pendant plusieurs années le deuil à la gitane : sans se couper les cheveux, ni la barbe, ni les ongles. Puis ses filles le décidèrent à reprendre la danse et la vie revint dans son clan. Son petit fils Juan démontra un tel talent de danseur qu'il prit la place laissée vide dans le coeur de son grand-père et hérita du surnom de Farruquito. Il y a deux ou trois ans, il tua un passant en voiture et purge actuellement une sévère peine de prison.
Les filles d'Antonio - Farruquita y Pilar la Faraona - furent formées à la plus dure école de danse flamenca qui soit. Elles parcoururent le monde entier. Chaque fois qu'elles se trouvaient en scène, elles attendaient un "ole" libérateur de leur maître et père."


Dyeli

"Je me suis souvenu des gens âgés pendant les noces gitanes. La femme se fait un pénis avec son tablier et mîme l'acte sexuel avec son mari qui remonte ses jambes de pantalon "comme une jupe", tout en dansant "por bulerias".

 

 

 

 

 


La Chicharrona

“La danse gitane traditionnelle, telle qu'elle se pratique dans les fêtes familiales (baptêmes, fiançailles, mariages etc) est à l'origine de toute forme de danse flamenca. A l'état naturel, elle exprime plus fortement l'originalité et les états d'âme de son interprète (y compris l'humour et le sens du cocasse) que la danse de théâtre, tout en étant régie par de complexes structures rythmiques.”

 

 

 

 

 

 


Boda en Jerez 

“La danse festive n'est pas réservée à ceux qui sont jeunes et beaux. Les femmes corpulentes et âgées - souvent plus allègres et plus résistantes que leur progéniture - excellent dans le genre.”

 

 

 

 

 

 


Isabel Bayon

"Interprète du style de danse dit "Ecole de Séville", cette danseuse a commencé sa carrière professionnelle dès l'enfance. Elle s'exprime avec toute l'élégance et la préciosité requises par la "danse de théâtre" en maniant le châle de manille et la "bata de cola" (robe de danse à traîne). D'où, également, l'appelation "baile de manton" (danse avec châle)."

 

 

 

 

 


Concha Vargas 

"Concha Vargas est actuellement la seule (avec Carmen Ledesma, sa compagne de scène) à pratiquer la danse de bras à l'ancienne sans se transformer en instrument de percussion. Presque toutes les danseuses flamencas d'aujourd'hui se laissent en effet influencer par le "style masculin" de la géniale (et inimitable) Carmen Amaya, tout en frappes de pieds.
Concha Vargas a été l'une des interprètes préférées du guitariste Pedro Bacan, fondateur du groupe "El Clan de los Pinini".

 

 

 

 

 


Enrique El Cojo 

"Enrique el Cojo (Henri le boiteux) avait une jambe de dix centimètre plus courte que l'autre avec une chaussure à semelle compensée. Sa danse sans zapateado (percussion des pieds) était par conséquent "de ceinture vers le haut", c'est-à-dire "féminine". Cela n'a pas empêché cet homme chauve et bedonnant d'être un grand maestro et d'avoir été le professeur et chorégraphe de plusieurs grandes danseuses de l'après guerre."

 

 

 

 


Farruquito II

"Juan, "El Farruquito II" est le neveu de "Farruquito I", lui-même fils d'Antonio el Farruco. Fait en 1991 dans un petit théâtre de Triana.
A la suite du décès de son fils Farruquito, premier du nom, Antonio el Farruco arrêta de danser et porta pendant plusieurs années le deuil à la gitane, sans se raser ni se faire couper les cheveux, ni se rogner les ongles. On le croisait au marché aux puces de Séville, ou il faisait un peu de brocante, sans oser le saluer.
Lorsque ses filles lui demandèrent de reprendre le cours normal de l'existence, il les forma à sa dure école de danse. L'une d'elles, Farruquita, se maria avec le chanteur El Moreno. Farruquito II et son jeune frère El Carpeta naquirent de cette union.
Antonio el Farruco reprit goût à la vie en constatant que son petit fils avait autant de génie que son oncle défunt et se dévoua pour faire de lui le meilleur danseur gitan de sa génération.
Juan Farruquito purge actuellement une peine de prison pour avoir tué un passant par accident et s'être enfui, car il était en infraction (défaut de permis, etc).
Son frère El Carpeta sera, comme lui, l'un des plus extraordinaires artistes flamencos du XXI ème siècle."


Maria Solea

"Maria Solea se faisait aussi appeler "Mariquilla Terremoto" car elle était la soeur du très grand chanteur "Fernando Terremoto" - représentant du style de Jerez dit "de Santiago" -
Comme son frère, elle était "chanteuse-danseuse". C'est-à-dire qu'elle chantait "por bulerias" à écouter en un premier temps, puis "por bulerias" à danser. Cette très difficile spécialité (car elle demande une maîtrise absolue des douze temps et cinq accents de la "buleria" au moment de se chanter à elle-même pour la danse."

 

 

 

 


Peña El Bollo 

"C'était un petit bar, dans un coin caché de Triana, où les travailleurs du quartier amenaient leur sandwich (d'où le nom "bollo" = pain que l'on coupe dans la longueur pour y mettre du chorizo, un poisson frit ou autre chose). Le samedi, Juan (le patron) annonçait une fiesta éventuelle et informelle dont les acteurs étaient imprévisibles.
Cette "Peña" a déménagé près de l'église de la "O"."

 

 

 

 

 


La Perla de Triana

"Chanteuse fétiche du groupe "Triana pura y pura" et spécialiste du répertoire "por tangos" (qui n'a rien à voir du tout avec celui d'Argentine). Son frère "El Perlo" écrit des poèmes et les déclame "por bulerias". Il est inutile de préciser qu'elle est gitane à deux cents pour cent ; on dirait une "sapera" du Rajhastan."

 

 

 

 

 


Pepa de Benito 

"Pepa est l'une des chanteuses gitanes que je préfère. Elle est originaire d'Utrera, petite-fille de Benito Pinini (fondateur du clan éponyme), cousine de la Fernanda et de la Bernarda de Utrera, tante de Pedro Bacan, etc, etc, c'est-à-dire qu'elle a de prestigieux quartiers de noblesse flamenca et qu'elle en est hautement digne.
Comme la plus part des grandes chanteuses gitanes, elle est "chanteuse-danseuse", ce qui demande une maîtrise totale du "compas" (rythme flamenco complexe) et un charisme hors du commun.
J'ai eu l'honneur d'être le producteur délégué de son premier disque en soliste pour Harmonia Mundi Iberica. (PEPA DE UTRERA "Yo vengo de Utrera", guitariste: Antonio Moya - HMI987023, en vente dans toutes les boutiques Harmonia Mundi)"

 

 

 


Pepa de Benito et son perroquet 

"Pepa de Benito chez elle à Utrera, en famille. Elle a un(e) perroquet(te) (une inséparable sans compagnon) qui passe la journée dans ses cheveux.
La petite bête se découpe des bandes de carton léger pour se poser (avec le bec) des plumes postiches au derrière.
Pepa la fait danser "por bulerias" sur la table en lui chantant les chants de mariage gitans et en les rythmant avec le "soniquete" (en frappant doucement sur la table)."

 


Juana Revuelo

"Juana Revuelo arbore des atours gitans rigoureusement traditionnels. Robe à pois, Châle à pois, tablier à volant à pois, "pololos" (pantalons de petite fille modèle), branche de romarin dans les cheveux et un panier au bras au moment de rentrer en scène. Elle se produit avec son mari Martin "El Revuelo" et son fils "El Chico Martin" l'accompagne à la guitare.
Elle est bien entendu une excellente “chanteuse-danseuse”. Juana a connu de grands succès dicographique jusqu'à l'avènement du néo-flamenco de fusion qui a porté un coup mortel au flamenco traditionnel."

 

 

 

 


Fernando Terromoto (Junior)

"Son père était un monstre sacré. Il a pris la relève. Une très lourde tâche qu'il mène à bien, brillamment, sans tomber dans la facilité ni céder à la mode. Son seul accompagnateur est un guitariste auquel s'adjoignent deux ou trois "palmeros" (qui battent les rythmes avec les mains) pendant les bulerias à écouter. Fernando danse aussi, comme son père, dans le style bref et suggestif de Jerez.

Je lui suis reconnaissant d'avoir dit en public qu'il serait honoré qu'un de mes dessins le représente dans un livre."

 

 

 

 


Tia Juana del Pipa 

"La "Tia Juana" fut la mascotte des gitans de Jerez. Tout le monde adorait cette femme rayonnante de force et de majesté, à la fois dure, sombre, et riante de tout son embompoint. Son poids n'enlevait rien à la grâce et à la simplicité de sa danse et elle en tirait joyeusement parti dans les passages burlesques de la "buleria gitane".
Un soir, sur scène, elle montra son sein droit - chastement contenu dans un gigantesque soutien-gorge vert pomme à gros pois blancs - au maire de Mairena del Alcor en lui déclarant qu'elle avait les nichons les plus flamencos d'Espagne."